La littérature luxembourgeoise au féminin
Vous souhaitez travailler, vous renseigner ou découvrir des informations sur les autrices luxembourgeoises francophones ? Voici celles ayant marqué le paysage littéraire, de 1900 à nos jours.

Née à Nevers, formée à l’Université de Clermont-Ferrand, Laila Adami, aussi connue sous le nom d’artiste de Miss Liberty, est autrice, poétesse et fondatrice de l’association MaghrebLux CoopEthic.
On lui doit une œuvre poétique abondante, abordant des problématiques sociales et politiques actuelles, parmi lesquelles la place de l’islam dans la société contemporaine figure en bonne place. Elle a publié plusieurs recueils, parus en autoédition : le premier, paru en 2019, s’intitule Poison guérisseur. Le second, paru en 2020 et intitulé 2020, prend pour sujet la pandémie de COVID-19. Paru en 2022 et écrit à deux voix avec la poétesse Marie-Pierre Antoine, Le miroir répond fait dialoguer deux conceptions de l’amour, de la sensualité et de la féminité. L’année suivante, Laila Adami publie Origami (2023) ; en 2025, elle a fait paraître un nouveau recueil, In fine, contenant des poèmes écrits lors de ses voyages en Irlande, en Tunisie et au Sénégal. On lui doit également Le Voyage de la miséricorde (2022), journal du pèlerinage qu’elle a accompli à La Mecque en 2009.
Anne Berger se consacre très tôt à la poésie, publiant son premier recueil, J’ai peur du fleuve (1969), à l’âge de 18 ans. Dans les années 1970, elle publie deux autres recueils, La Loi blanche (1975) et Mon corps à deux (1978). Les années 1980 la voient signer des textes pour des livres d’artistes : Clair de toile (1982), où son texte accompagne les dessins de Robert Brandy, Poèmes (1984) et Au large de tes yeux (1985), où il dialogue avec des gravures de Sus Hierzig.
Anne Berger publie également des poèmes dans des revues littéraires luxembourgeoises (Les Pages de la SELF, Arts et lettres, Proscenium, nos cahiers) et belges (La Dryade, Triangle, Le Thyrse, Le Journal des poètes, Odradek), ainsi que dans la revue française Poésie présente. Certains de ses poèmes sont repris dans des anthologies, dont La Nouvelle Poésie féminine (Paris, 1975), La Poésie érotique du XXe siècle (Paris, 1980), Au-delà du désespoir (Capellen, 1983), Pays clément dans la fureur des vagues (Luxembourg, 1993) ou encore Le Siècle des femmes (Bruxelles/Echternach, 2000).


Née en 1942, José Ensch écrit des poèmes dès l’adolescence ; à la fin des années 1960, elle montre plusieurs de ses textes à Gisèle Prassinos, qui l’introduit dans le milieu littéraire et artistique parisien. Ses poèmes se voient publiés dès les années 1970 dans des périodiques luxembourgeois (dont Arts et Lettres, Estuaires, nos cahiers, Les Nouvelles Pages de la SELF), belges (Triangle, Espace et Pollen d’azur) et français (Europe, Orée, Vagabondages), mais aussi suisses et canadiens. Gage de reconnaissance, plusieurs des poèmes de José Ensch sont dès les années 1980 repris dans des anthologies, dont Les Éléments des poètes (Paris, 1990), Pays clément dans la fureur des vagues (Luxembourg, 1993) et Le Siècle des femmes (Bruxelles, Echternach, 2000). L’Arbre (1984), premier de ses huit recueils de poésie, paraît dans la collection bibliophile des éditions Galerie Simoncini. Ses autres recueils paraîtront respectivement aux éditions La Librairie bleue, basées en France, à Troyes (Le Profil et les Ombres), puis au Luxembourg, chez Phi (Dans les cages du vent ; L’Aiguille aveugle) et Estuaires (Prédelles pour un tableau à venir ; Les Façades). José Ensch a donc adopté elle aussi une trajectoire éditoriale itinérante, mais qui se joue selon des modalités différentes que dans le cas d’Anise Koltz, avec notamment une présence moindre sur le marché français.
Comme Anise Koltz, José Ensch aura pratiqué tous les aspects de la création littéraire et joué un rôle actif et majeur dans la vie culturelle et littéraire du Grand-Duché. En 1985, elle participe avec Henri Blaise au VIIIe Congrès de la World Organization for Poets à Corfou. Elle fait également partie en 1986 du premier comité de lecture de la revue Estuaires avec entre autres Nic Klecker et Rosemarie Kieffer. Elle a également été membre de l’Institut grand-ducal, section des arts et des lettres, ainsi que de la Lëtzebuerger Schrëftstellerverband (LSV), et a reçu le prix Servais en 1998 pour son recueil Dans les cages du vent. Ses poèmes ont été traduits dans de nombreuses langues (allemand, anglais, roumain, russe, arabe, grec, chinois, hongrois et macédonien), et elle a elle-même traduit du français vers l’allemand des poèmes d’André Schmitz et de Guy Goffette, écrivains belges.
Née à Luxembourg en 1978, Fabienne Faust entame une carrière littéraire après une formation universitaire au Luxembourg, à l’Université de York, où elle se spécialise dans la littérature anglaise, et à l’Université de Bologne, où elle étudie la littérature italienne et notamment le surréalisme italien. De retour dans son pays natal, où elle enseigne l’anglais, elle fréquente les cours d’écriture créative dispensés par l’écrivain Jean Portante. On lui doit une œuvre en vers et en prose publiée en français, en allemand et en anglais. En 2014 paraît aux éditions Phi le recueil de poésie Tu veux danser (2014).
Dans ces poèmes brefs et denses, l’écriture se fait elliptique : métaphores, éclats et questions esquissent des tableaux souvent abstraits. L’évocation récurrente de couleurs vives et l’emploi de majuscules confèrent à l’ensemble une qualité presque picturale, où chaque page fonctionne comme une toile compacte et mystérieuse. Formé de 19 récits brefs dans lesquels l’autrice revient sur des souvenirs d’enfance, l’ouvrage en prose Terre de… Tableaux vivants, qui réinvestit à son tour cette dimension fragmentaire, paraît la même année aux éditions Melibee, basées à Toulouse.


Danielle Hoffelt est née à Esch-sur-Alzette en 1963. Danielle Hoffelt a publié aux éditions Les Cahiers luxembourgeois un recueil, Impuissance (prix Arthur-Praillet en 1996) et aux éditions Phi le recueil Mots à maux (2013). Certains de ses poèmes ont paru dans des périodiques et revues littéraires luxembourgeois et étrangers, d’Estuaires à nos cahiers, en passant par Traversées. Elle a également écrit une pièce de théâtre, Pandora (1998) et est la coautrice, avec Jean-Claude Degrell, de trois livrets pour des comédies musicales portant sur l’histoire d’Echternach, représentées en la basilique ou au Trifolion d’Echternach.

Anise Koltz est est souvent et à juste titre présentée comme l’une des figures de proue des lettres luxembourgeoises. Née en 1928, elle écrit d’abord en allemand, publiant entre 1953 et 1973 une série de nouvelles, mais aussi plusieurs recueils de poésie ; en 1966, elle publie à Paris, dans la prestigieuse collection bilingue Autour du monde dirigée par Pierre Seghers, un recueil intitulé Le Cirque du soleil. Le véritable tournant dans sa création survient toutefois après le décès prématuré de son époux, en 1971, des suites des mauvais traitements subis de la part de l’occupant allemand durant la Deuxième Guerre mondiale. Anise Koltz se détourne alors de la langue allemande, choisissant de poursuivre son œuvre en français et d’alterner pour la publication éditeurs luxembourgeois (principalement les éditions Phi) et français (Seghers, Arfuyen, Belfond).
Auréolée d’une renommée internationale, membre de l’Académie Mallarmé et de l’Institut Grand-Ducal des Arts et des Lettres, elle crée les Journées littéraires de Mondorf, lesquelles donnent lieu à des anthologies dont elle est la coéditrice, participe à de nombreux festivals de poésie (dont le Printemps des Poètes et le Poetry Parnassus, en Angleterre), publie des poèmes et des récits de voyage dans de nombreux périodiques et revues littéraires, au Grand-Duché et à l’étranger. Surtout, elle devient le premier écrivain luxembourgeois à intégrer la prestigieuse collection « Poésie » chez Gallimard, qui publie en 2016 une anthologie de son œuvre poétique sous le titre Somnambule du jour. Deux ans plus tard, elle reçoit le prix Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre, autre consécration.
Anise Koltz embrasse par son parcours toutes les facettes de la littérature, de la création littéraire à la critique ; fortement présente dans les institutions qui font exister la littérature dans l’espace social, et cela tant à l’échelle nationale qu’internationale, elle joue aussi le rôle de passeuse entre différentes cultures : traduite dans de nombreuses langues, elle traduit elle-même du français vers l’allemand Léopold Sédar Senghor et la poétesse belge Andrée Sodenkamp.
Elle illustre également par son parcours la trajectoire éditoriale itinérante dégagée par Pascal Durand à propos du modèle éditorial belge francophone. Ses derniers recueils en date le montrent bien : elle publie chez Arfuyen Soleils chauves (2012) et Galaxies intérieures (2013), recourt ensuite aux éditions Galerie Simoncini, basées au Luxembourg pour Pomme (2013), revient chez Arfuyen pour Un monde de pierres (2015), fait paraître aux éditions Galerie Simoncini Le Messager sans message (2016), et recourt enfin à Estuaires, maison basée elle aussi au Luxembourg, pour sa dernière publication en date, Pressée de vivre (2016).
Le statut de Koltz sur la scène littéraire grand-ducale et internationale, s’il est résolument unique, contribue à tout le moins à accroître la visibilité de la production littéraire des autrices luxembourgeoises de langue française, et au-delà de la littérature luxembourgeoise. On peut espérer que la parution d’une anthologie de son œuvre dans une collection aussi prestigieuse et aussi synonyme de patrimonialisation que la collection « Poésie » de Gallimard et que l’obtention du prix Goncourt de poésie ouvriront la voie à d’autres voix poétiques et plus largement littéraires au Grand-Duché.
Carla Lucarelli est née à Luxembourg en 1968. Elle a publié aux éditions Phi deux recueils de poésie, Aquatiques (2012), Dekagonon (allemand/français) (2016), deux romans, Carapaces (2013), La Disparition de Wanda B. (2017), ainsi qu’un récit autobiographique, Enfance, Instantanés (2020). Aux éditions Venterniers a paru en 2013 Terrains vagues, un recueil de 22 microfictions. Elle a également écrit des pièces de théâtre et contribué à diverses anthologies publiées dans le cadre des journées du livre à Walferdange ou éditées par le Centre National du Livre, ainsi qu’à des suppléments littéraires et des revues (Kulturissimo/Galerie/forum). En 2022 a paru aux éditions Phi son recueil de nouvelles Chantiers du désir.


(pseudonyme : Alain Desportes)
Pionnière des lettres luxembourgeoises de langue française, Aline Mayrisch-de Saint-Hubert se veut très tôt une médiatrice entre les ères culturelles francophone et germanophone. À partir de 1898, elle publie dans la revue d’avant-garde belge L’Art moderne (1881-1914) des articles consacrés à des peintres allemands ainsi que des critiques littéraires, notamment de L’Immoraliste (1902) d’André Gide (1869-1951).
Le combat féministe d’Aline Mayrisch et son action de médiatrice culturelle sont résolument indissociables. En 1906, elle fonde l’Association pour la défense des intérêts des femmes, dont elle est élue présidente ; celle-ci a pour objectif de favoriser la création au Luxembourg d’écoles publiques pour les jeunes filles. Son action sera récompensée en 1909, date à laquelle l’État consent finalement à la création du premier lycée de jeunes filles au Luxembourg.
Son château de Colpach, village luxembourgeois proche de la frontière belge, où ils s’installent en 1920, permet à Aline et son époux Émile Mayrisch d’accueillir durant l’entre-deux-guerres des Rencontres franco-allemandes ; l’initiative vaudra à ce dernier le titre de docteur honoris causa pour services rendus à l’entente des peuples. De 1922 à 1939, le couple invite à Colpach de nombreux écrivains et intellectuels, dont André Gide, avec qui Aline Mayrisch noue une amitié profonde et durable, l’écrivain et éditeur français Jean Schlumberger (1877-1968), l’un des fondateurs de la NRF, Jacques Rivière (1886-1925), qui en a été le directeur, les Belges Henri Michaux (1899-1984), Maria (1866-1959) et Théo Van Rysselberghe (1862-1926), respectivement autrice et peintre. On y croise également la philologue Marie Delcourt (1891-1969), l’écrivain Alexis Curvers (1906-1992), tous deux belges, l’autrice franco-allemande Annette Kolb (1870-1967), l’actrice allemande Gertrud Eysoldt (1870-1955), Ernst Robert Curtius (1886-1956), philologue allemand, ou encore l’écrivain français Bernard Groethuysen (1880-1946). Conservé aux archives du Centre national de littérature (Mersch), le Livre d’Or de Colpach rend compte de leurs échanges et du dynamisme de ce réseau résolument international. Les années 1930 seront pour Aline Mayrisch les années du retrait de la vie publique ; en 1939, elle s’installe dans le Sud de la France, où elle s’éteint en 1947.
Outre cet « esprit de Colpach » pacifiste, cosmopolite et éminemment européen, émule moderne à cet égard du château de Coppet où Germaine de Staël (1766-1817) accueillait en son temps, selon la formule de Stendhal, les « états généraux de l’opinion européenne », l’on doit également à Aline Mayrisch d’avoir joué le rôle de passeuse en faisant par exemple découvrir au lectorat francophone, et notamment à André Gide, les textes de Rainer Maria Rilke. L’article qu’elle lui consacre dans la Nouvelle Revue française contribuera en effet à faire connaître l’écrivain allemand du public français. Cette même revue la voit publier des articles sur la situation intellectuelle en Allemagne après la Première Guerre mondiale ; elle y fera aussi paraître son récit de voyage autobiographique, Paysages de la trentième année. On doit à Aline Mayrisch un roman inachevé, Andrée Reimenkampf, qui ne nous est pas parvenu. Les Cahiers de la Petite Dame de Maria Van Rysselberghe lui sont dédiés.