Two of our students are the winners of Prix Victor Hugo de la Francophonie, 2025 edition.
On Tuesday, 25 March 2025 the awards ceremony for the literary competition “Prix Victor Hugo” took place in the French Embassy, and we are proud to announce that two of the winners belong to our university community. Students Michèle Feltes and Eva Van Wymersch – both from FHSE, Bachelor en Cultures Européennes – were our laureates!
The Institut français du Luxembourg, in partnership with the Association Victor Hugo and the Association des Professeurs de Français du Luxembourg, organise annually the Prix Victor Hugo de la Francophonie, a high school and student competition for the best text in French. This year’s theme was “Ten words for the planet”. In order to participate, the students had to submit an original text incorporating all the following words: biome, butiner, canopée, conséconscient, débrousser, empreinte, glaner, palmeraie, solaire, vivant.
The students are happy to share their winning texts.
Text by Michèle Feltes
La faute dans le code
Depuis des semaines, les synapses de Leïla ne s’étaient pas autant déployées pour butiner la dopamine qui vrombissait comme du pollen au printemps dans les replis de son cerveau. Ce qui déclenchait cette sécrétion de joie aurait poussé toute autre adolescente à se saisir d’un journal enroulé ou même à s’armer d’un aspirateur. Mais le cas de Leïla était bien différent : elle se réjouissait des jambes poilues d’une araignée.
Le petit prédateur se glissait entre les racines du palmier qui s’étendaient autour des basquettes de Leïla. L’envie d’attraper l’animal noua ses doigts, mais elle se maîtrisa. Comme si la créature avait perçu sa présence – ce qui était absurde – elle se replia sous l’ombre d’une touffe de fougère jaunâtre.
La canopée s’étirant au-dessus de la tête de Leïla infusait la lumière d’une teinte verte, bien qu’elle-même ne fût point colorée par de la chlorophylle. Les lames étroites des feuilles découpaient le bleu du ciel en carrés là où les branches se croisaient. Autour de Leïla se dressaient des troncs à l’écorce zébrée. Légèrement intimidée par ces spectres d’arbres, elle avança de quelques pas pour s’insinuer dans le cœur de la palmeraie.
Les rayons du soleil, la frappant par-derrière, resplendissaient dans ses lunettes, et elle plissait les yeux – qu’elle n’avait récemment plissés que pour déchiffrer ses notes sur le biome des forêts tropicales avant de s’endormir. L’écologie générale, le cycle du carbone, les raisons des échecs de dix ans de reforestation… sur le papier, elle maîtrisait tout, mais en « réalité », elle se sentait déconnectée de la substance même de ses études. Ce n’était plus la grande moisson d’informations dans les livres ; elle avait plutôt l’impression de glaner derrière la moissonneuse-batteuse les épis insignifiant sur lesquelles personne n’avait encore songés.
Les pieds de Leïla s’avançaient sans qu’elle accorde une seule pensée à ses mouvements physiques. Sa conscience était trop occupée à se débrouiller avec ce qui lui semblait être une fantasmagorie : avec les nuages multicolores d’oiseaux, des cigales chantantes et la lourdeur de l’humidité. Aveuglée, accablée et abasourdie, Leïla fut soudain captivée par un mouvement.
La première chose qui sauta à l’œil fut les bras tout maigres de l’homme qui s’acharnait à manier une machette contre un arbrisseau parmi les palmiers qu’il semblait débrousser. En observant son coude se replier, l’image d’un genou d’éléphant surgit dans l’esprit de Leïla ; chaque geste traçait des rides sur sa peau tannée. Sa tenue de travail se résumait à un t-shirt et un short.
Quand l’homme se tourna vers elle, Leïla aperçut son propre visage dans le reflet de ses yeux bruns. Dans ces yeux bruns, elle vit son expression incrédule encadrée par de longs cils ébouriffés. Dans ces yeux bruns, il y avait cet éclat blanchâtre – cet éclat qui lui donnait un air si vivant qu’elle ressentit le besoin d’esquiver son regard, à tel point ces yeux bruns la transperçaient – à tel point ces yeux bruns l’attiraient encore quelques pas en avant.
C’était comme s’il y avait quelque chose d’humain qui les unifiait, bien qu’ils ne puissent être plus différents l’un de l’autre. Lui, probablement un quinquagénaire, et elle, une jeune fille. Un ouvrier agricole et une enfant de la ville. Il ne lui ressemblait guère et pourtant… La bordure effilochée de sa casquette et les grains de beauté qui parsemaient ses bras, empreintes brûlées par le soleil cancéreux dans sa peau, touchaient Leïla profondément. Cet homme, si émacié, âgé et faible, demeurait pourtant sage, durci tel un minéral – en quelque sorte il était trop endommagé pour se briser.
Un frisson parcourut Leïla, qui était maintenant si près qu’elle distinguait la boue séchée des ombres qui baignaient le cou de l’homme. Son souffle suspendu, elle tendit la main, ignorant le doute qui voulait la paralyser. Elle ne devait pas le faire.
— Ne devrais pas…
… mais avec les mots chuchotés qui s’enfuirent de ses lèvres, s’enfuit aussi la raison. Ses doigts frôlèrent le poignet du travailleur. Mais le poignet du travailleur ne frôla point ses doigts… Il n’était pas rêche. Ni chaud de la lumière solaire qu’il avait absorbée au fil des ans.
Non, Leïla ne ressentit aucune résistance. C’était si… Elle secoua la tête. Pas comme si… enfin, l’homme était fait d’air.
D’un seul coup, la canopée se dissipa en brume floue et le sol se fissura en pixels épars. Les palmiers s’effondrèrent comme abattus, ne laissant derrière eux qu’un arrière-plan générique de contours verdâtres fondus dans l’horizon. Leïla vacilla, la paume encore tendue vers un monde qui n’existait plus.
Coupable, elle rattrapa sa main avec l’autre et croisa les bras. Elle avait tout intérêt à feindre la surprise. La vingtaine d’étudiants clignotait encore, comme s’ils n’arrivaient pas à se détacher de l’illusion créée à partir du matériel audiovisuel enregistré autrefois et par l’IA qui le complétait. Or, après le court-circuit, il ne restait que les écrans inclinés, les projecteurs suspendus et l’amas de câbles entremêlés sur le sol qui avaient contribué à la crédibilité des racines virtuelles.
— Génial, qui a encore tout fait planter ?
— On était au beau milieu de la simulation !
— Ça a grillé d’un coup, j’ai rien touché ! s’éleva une troisième voix.
Derrière Leïla, quelqu’un de familier s’adressa à elle.
— Viens.
Leïla baissa un peu ses épaules tendues et se laissa entraîner par le coude à l’écart de la salle. Les blouses des étudiants flottaient autour de leurs bras, semblables aux ailes des papillons qui avaient voltigé à travers la palmeraie il y a quelques instants. Certains tapotaient sur les tablettes de commande à l’entrée, et quelques regards soupçonneux se fixaient déjà sur elle. Le badge de son superviseur cliqueta tandis qu’il la désignait d’un mouvement du menton.
— Respire, ce n’est pas la fin du monde, mais… Tu savais que l’illusion se dissipait dès qu’on la touchait.
Leïla hocha la tête, luttant pour avaler la boule qui s’était formée dans sa gorge. C’était une faute pénible, celle d’une débutante ou d’une étudiante lors de sa première séance de réalité virtuelle – quelque chose qui n’arrivait qu’à un auditeur libre.
— Oui, mais je ne m’y attendais pas… Je n’ai jamais vu d’humain dans une simulation d’autrefois… et ça avait l’air si anodin, si habituel, si simple…, murmura-t-elle, les yeux fuyant le regard de son superviseur.
— Pourtant, tu le savais. Ce n’était pas très conséconscient de ta part.
Leïla croisa les bras devant sa poitrine.
— Conséconscient ? C’est ridicule d’utiliser ce mot. C’étaient eux, autrefois, qui ne l’étaient pas.
— Ils devraient penser la même chose que toi, conclut-il en haussant un sourcil.
Text by Eva Van Wymersch
28 mars 3012
Cher journal, « il était une fois la Terre » était tout ce que j’avais retenu de mon cours d’histoire. Madame Colette nous a parlé pendant des heures d’une planète bleue qui se caractérisait par un biome, mot que je n’avais jamais entendu de toute ma vie. À ce que j’ai compris, cela veut dire que la terre était divisée en grandes zones géographiques qui avaient chacune un climat spécifique. Ce soir, je ne comprends toujours pas, tout me parait si abstrait. À un moment je pensais même que Madame Colette devenait folle. Elle était tellement passionnée par son sujet qu’elle utilisait des mots bizarres et inventait des noms d’animaux. Elle nous a montré des photos d’abeilles qui volaient sur des fleurs. Nous étions bouche bée, c’était si beau. Mais nous ne savions pas ce qu’étaient des abeilles, ni ce qui signifiait butiner, ni ce qu’étaient des fleurs. La classe a même eu un fou rire quand elle nous a expliqué que les abeilles étaient indispensables à la survie de l’espèce humaine. C’est vrai, nous nous sommes bien vivants quand même ! J’ai même appris que des grands arbres avec des grandes feuilles s’appelaient des palmiers et que beaucoup de palmiers formaient une palmeraie. Mon copain Max a alors demandé pourquoi notre planète avait autant changé. Madame Colette répondit que l’année 2050 a été le début de la fin. Tous les pays du monde avaient une empreinte carbone trop élevée, il y avait trop de plastique dans l’océan, l’énergie solaire ne captait plus les rayons nécessaires à cause de la pollution, la terre était devenue infertile, la forêt amazonienne était débroussée et aucune canopée n’a survécu, etc. Ceux qui étaient encore vivants se sont réfugiés sous la terre. Ils ont commencé à creuser des tunnels et des caves souterraines. Deux fois par semaine, les survivants remontaient à la surface pour glaner ce qui restait de comestible. Les animaux mourraient peu à peu. Entre toutes les espèces régnait ce que Darwin appelait « la loi du plus fort ». Pour survivre les animaux ont commencé à muter. Petit à petit, tous ont dû s’adapter au changement. Mille ans plus tard, je me rends compte que la Terre était un lieu magnifique, mais d’autre part je ne peux pas me plaindre de ma vie. Bien que je ne connaisse pas la verdure, l’air frais de la mer ou encore la chaleur tropicale, je suis heureux ici dans l’espace. En effet, en l’an 3000 ont débuté les expériences ayant pour but d’évacuer la Terre. Il n’a pas fallu bien longtemps pour que tout le monde soit délogé. J’étais tout petit
lorsque mes parents ont déménagé. Madame Colette nous a dit qu’il ne fallait pas oublier ce qui s’était passé sur la Terre et que son rôle était de sensibiliser les élèves sur l’histoire de la planète bleue. Sa mission est de nous inciter à être conséconscients. J’avoue que je ne sais toujours pas totalement ce que ça veut dire mais j’ai retenu que le plus important, c’est de protéger son habitat par des petites actions au quotidien. Sur ce, je pars prendre une douche au lieu d’un bain.

