Dans le cadre de son cycle 2023-2024, le Groupe de réflexion en droit privé luxembourgeois (GRDPL) vous invite cordialement à sa conférence.
par Kouroch Bellis, Post-doctorant, chargé du suivi du projet de modernisation du Code civil à Université du Luxembourg.
Résumé :
La force obligatoire du contrat fait partie de l’essence même du contrat. Contracter, c’est s’enserrer (contrahere) volontairement dans un lien de droit contraignant avec une autre personne. Au premier abord l’opposé de la liberté individuelle, puisque le fait d’être enchaîné est le contraire même d’être libre, le contrat en est en réalité le pendant nécessaire. En effet, l’homme est un animal politique et, dès lors, les limites à sa liberté font partie de sa nature même. Par conséquent, la liberté individuelle réside en réalité, pour l’homme, dans le fait de librement choisir ses chaînes.
C’est la raison pour laquelle le contrat est probablement le concept juridique le plus fondamental de la civilisation occidentale. La caractéristique la plus fondamentale de cette civilisation est en effet probablement la place centrale qu’elle accorde à la liberté humaine. Pourtant, cette force obligatoire de l’engagement pris librement est de plus en plus remise en cause par les droits occidentaux, soit directement soit en remettant en cause la validité même du contrat, souvent au nom d’un « bien » dont le juge serait le garant. Refus de l’exécution forcée en nature « déraisonnable », obligations précontractuelles d’information sans considération de mérite à l’acquisition de l’information, soumission de la validité des contrats à l’omnipotent concept de bonne foi, interdiction d’exercer son droit si le juge estime que la personne « abuse » de ce droit, nécessité d’un certain équilibre entre les prestations des parties dans les contrats d’adhésion, inapplicabilité du contrat en cas de « force majeure » ou d’évènement imprévu… ces différentes questions et d’autres encore sont en général analysées comme séparées et pourtant touchent à la même question fondamentale qu’est la force obligatoire de la parole donnée. D’un côté, avec la chute de l’empire soviétique, l’angoisse de la fin des libertés individuelles semble avoir perdu de son acuité et pourtant, cette préservation n’a pas perdu de son importance. D’un autre côté, il est bien connu que la « liberté » sans garde-fou est bien artificielle et devient la simple loi du plus fort.
À l’heure de la réforme du droit luxembourgeois des contrats, il est donc proposé une théorie qui mêle les différents sujets évoqués, et d’autres encore, afin de résolument défendre la force obligatoire de la parole donnée, tout en protégeant les plus faibles (ceux dont la liberté a besoin d’un bras armé pour être réelle). Des solutions législatives concrètes au soutien de cette théorie seront présentées.
Cette présentation sera suivie d’un débat avec la salle, discussion lancée par Monsieur Pascal Ancel, professeur émérite à l’Université du Luxembourg.
Langue: français