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Donner un coup de jeune au cerveau à l’aide d’une “horloge du vieillissement”

  • Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB)
    22 juillet 2025
  • Catégorie
    Recherche
  • Thème
    Informatique & TIC, Sciences de la vie & médecine

Existe-t-il un moyen de rajeunir les cellules cérébrales vieillissantes ? Des chercheurs luxembourgeois et espagnols ont récemment tenté de répondre à cette question. Après avoir mis au point une “horloge du vieillissement” capable d’évaluer l’âge biologique du cerveau, ils l’ont utilisée pour passer au crible différentes approches susceptibles de rajeunir le cerveau. L’outil informatique qu’ils ont développé, récemment présenté dans la revue Advanced Science, constitue une ressource précieuse pour identifier des composés ayant un potentiel thérapeutique pour les maladies neurodégénératives.

Le vieillissement de la population mondiale, plus de deux milliards de personnes devraient avoir plus de 60 ans d’ici à 2050, entraîne une augmentation des troubles cérébraux liés à l’âge. Vivre plus longtemps mais en mauvaise santé n’est pas seulement une perspective peu engageante, c’est aussi un fardeau considérable pour les systèmes de santé du monde entier. Contrer le déclin fonctionnel de notre cerveau grâce à des approches visant à rajeunir les cellules cérébrales semble donc une idée prometteuse. La question est de savoir comment identifier les composés susceptibles de rajeunir efficacement ces cellules et de protéger ainsi une population vieillissante contre la neurodégénérescence. Le professeur Antonio Del Sol et ses équipes, spécialisées en biologie computationnelle et basées à la fois au LCSB de l’Université du Luxembourg et au CIC bioGUNE à Bilbao, ont utilisé leur expertise en matière d’apprentissage automatique pour relever ce défi.

Une horloge pour mesurer l’âge biologique du cerveau

Les chercheurs ont mis au point ce que l’on appelle une « horloge du vieillissement », un outil informatique conçu pour mesurer l’âge biologique des cellules, par opposition à leur âge chronologique. En effet, les organes et les tissus de personnes du même âge peuvent évoluer différemment au fil du temps, en fonction de facteurs génétiques et environnementaux, conduisant à des âges biologiques différents. Ces horloges sont donc des outils utiles pour évaluer le vieillissement au niveau moléculaire et peuvent aider à en comprendre les causes et les conséquences.

L’horloge conçue par les chercheurs du LCSB et du CIC bioGune est spécifique au cerveau et utilise des informations sur l’expression de 365 gènes pour faire des prédictions. Grâce à une approche d’apprentissage automatique, elle a été entraînée sur des données provenant d’individus en bonne santé, âgés de 20 à 97 ans, et a pu prédire leur âge avec précision. D’autres tests ont montré que cette horloge est capable d’estimer l’âge biologique de différents types de cellules cérébrales, en particulier les neurones. Enfin, en examinant les âges biologiques prédits pour des personnes en bonne santé et pour des patients souffrant de troubles neurologiques, les chercheurs ont observé que les patients présentaient un âge biologique plus élevé.

« Ces résultats indiquent que l’âge biologique des cellules du cerveau calculé par notre horloge reflète bien le déclin des fonctions cérébrales observé chez les patients, en particulier entre 60 et 70 ans, et qu’il est même corrélé au stade de la maladie », explique Dr Guillem Santamaria, premier auteur de l’étude. « Cela conforte l’idée que la neurodégénérescence est une forme de vieillissement accéléré et, plus important, la corrélation entre âge biologique et neurodégénérescence signale que les approches identifiées par notre horloge comme susceptibles de rajeunir le cerveau pourraient aussi avoir une action neuroprotectrice. »

Identifier des composés susceptibles de rajeunir le cerveau

L’objectif des chercheurs étant d’utiliser l’horloge pour passer au crible différentes approches, génétiques ou chimique,  susceptibles de rajeunir les cellules cérébrales, ils ont étudié l’effet de milliers de composés sur les cellules précurseurs des neurones et les neurones. Cela leur a permis d’identifier 453 composés pouvant faire reculer de manière significative l’âge biologique de ces cellules.

Parmi les composés identifiés, plusieurs sont connus pour prolonger la durée de vie chez des modèles animaux et certains sont déjà utilisés pour traiter des troubles neurologiques. La grande majorité n’a cependant pas encore été étudiée dans ce contexte. « D’une part, le fait que notre outil informatique ait sélectionné des médicaments agissant sur les fonctions cérébrales indique qu’utiliser l’effet d’un composé sur l’âge biologique des cellules est bien un moyen efficace d’évaluer son potentiel neuroprotecteur », explique Prof. Del Sol, responsable des équipes Computational Biology au LCSB et au CIC BioGUNE. « D’autre part, ces résultats montrent que notre horloge permet de trouver de nombreux candidats intéressants et peu connus, ouvrant de nouvelles voies pour la recherche. »

Validation dans un modèle animal et nouveaux horizons thérapeutiques

Pour illustrer le bien-fondé de leur approche, les chercheurs ont ensuite testé trois des composés sélectionnés sur des souris, en collaboration avec l’équipe du professeur Rubén Nogueiras du Centre for Research in Molecular Medicine and Chronic Diseases. L’administration de ce cocktail a permis de réduire significativement l’anxiété et d’améliorer légèrement la mémoire spatiale chez les souris âgées, deux symptômes associés au vieillissement. Une analyse complémentaire a également indiqué un impact positif au niveau de l’expression des gènes. Dans leur ensemble, ces résultats montrent que des composés  identifiés comme susceptibles de rajeunir le cerveau ont effectivement agit au niveau moléculaire sur le cortex de souris âgées et ont eu un impact sur leurs fonctions cognitives.

Cette étude, récemment publiée dans la revue Advanced Science, met en donc évidence les avantages de l’outil informatique développé par les chercheurs : c’est une ressource précieuse pour identifier les approches susceptibles de rajeunir le cerveau et ayant un potentiel thérapeutique pour les maladies neurodégénératives. Elle constitue une base solide pour orienter de futurs travaux de recherche. « Les centaines de composés sélectionnés par notre plateforme doivent en effet être étudiés dans plusieurs systèmes biologiques afin d’évaluer leur efficacité et savoir s’ils sont sûrs, avec en perspective de nombreuses possibilités de développement thérapeutique », conclut le professeur Del Sol.

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Découvrez l’interview vidéo de Dr Sascha Jung qui explique cette étude en quelques mots.


Référence : Guillem Santamaria, Cristina Iglesias, Sascha Jung, Javier Arcos Hodar, Ruben Nogueiras and Antonio del Sol, A machine-learning approach identifies rejuvenating interventions in the human brain, Advanced Science, juillet 2025.

Crédits : image du haut créée avec l’IA

Les chercheurs du LCSB

  • Prof Antonio DEL SOL MESA

    Prof Antonio DEL SOL MESA

    Full professor / Chief scientist 1 in Bioinformatics

  • Dr. Guillem SANTAMARIA AGUILAR

    Dr. Guillem SANTAMARIA AGUILAR

    Postdoctoral researcher