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La recherche au service de la lutte contre la corruption

  • Faculté de Droit, d'Économie et de Finance (FDEF)
    06 décembre 2024
  • Catégorie
    Recherche
  • Thème
    Droit

Corruption, détournement de fonds, abus de fonction, trafic d’influence… La corruption a de nombreuses facettes. Le phénomène alimente la pauvreté, menace les démocraties et prive des millions de personnes de perspectives d’avenir. « Récemment, une seule personne a dérobé 500 millions de dollars d’actifs à l’un des pays les plus pauvres du monde. C’est scandaleux », déclare Iryna Bogdanova, postdoc au département de droit de l’Université. Elle fait référence au cas d’un ancien ministre du Bangladesh, soupçonné d’avoir acheté des biens immobiliers de luxe à Londres, Dubaï et New York avec des fonds publics. 

Iryna Bogdanova est titulaire d’un doctorat en droit du World Trade Institute de l’Université de Berne, sa thèse avait été consacrée à l’étude des sanctions économiques, de leur efficacité et de leur légalité au regard du droit international. La jeune chercheuse et Silvia Allegrezza, professeure associée de droit pénal à l’Université, font partie d’un consortium de huit États membres de l’UE et plus de 30 pays, y compris des partenaires associés, dans le cadre du projet KLEPTOTRACE. Ce projet de deux ans, financé par l’Union européenne, s’articule autour de cinq actions concrètes visant à relever les défis de la corruption transnationale.  

Les sanctions économiques en tant qu’outils politiques 

Les sanctions de l’UE font partie de la politique étrangère et de la sécurité commune, leur mise en œuvre implique de nombreux acteurs et entités de l’UE. Les sanctions comprennent des prohibitions d’importation ou d’exportation, des restrictions à l’investissement, le gel des avoirs sur des comptes bancaires étrangers ou des interdictions de voyager, et peuvent être imposées à des individus, à des acteurs non étatiques, à des gouvernements ou à des pays entiers. « Pouvoir imposer des sanctions contre la corruption de haut niveau dans le monde entier n’est pas seulement important pour notre sécurité économique. C’est également important d’un point de vue politique pour l’UE en tant qu’acteur international. L’Union doit être à la hauteur de ses principes et de ses valeurs, tels que l’État de droit et les droits de l’homme », explique Prof. Allegrezza, qui est également membre d’un groupe d’experts de l’UE sur le droit pénal.  

« De plus, il y a de plus en plus de signes que les régimes basés sur la kleptocratie deviennent des régimes autocratiques et des menaces militaires », ajoute Dr. Bogdanova. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions économiques massives de l’UE contre les ressources et les actifs énergétiques russes en sont le meilleur exemple. 

L’équipe luxembourgeoise dirige le quatrième volet de KLEPTOTRACE, dédié à l’évaluation, d’une part des régimes de sanctions actuels de l’UE et de leurs limites, d’autre part des systèmes nationaux de mise en œuvre. Elle proposera des recommandations politiques et juridiques pour rendre les sanctions de l’UE plus efficaces. Dans un premier temps, l’équipe a analysé les contraintes juridiques imposées par le droit international et le droit communautaire à l’adoption et à l’utilisation des sanctions, appelées « mesures restrictives de l’UE ». Leur premier rapport a été publié en juin 2024.  

Les chercheurs ont notamment étudié l’influence des considérations relatives aux droits de l’homme sur les mesures restrictives de l’UE. Les experts ont montré, par exemple, que cela a conduit au remplacement des sanctions économiques globales par des sanctions ciblées afin de limiter l’impact négatif sur la population civile. Par ailleurs, la Cour de justice de l’UE est chargée du maintien des droits de l’homme des personnes visées par les sanctions en leur permettant de contester ces mesures.  

Un régime général de sanctions de l’UE en préparation 

Toutefois, contrairement à des pays comme les États-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni, l’UE ne dispose pas d’un cadre juridique permettant d’imposer des sanctions pour des actes de corruption importants commis dans le monde entier. À l’heure actuelle, seules des mesures spécifiques à chaque pays ont été adoptées. Cela rend les décisions très politiques et difficiles à prendre. Les chercheurs étudient actuellement la faisabilité d’un nouveau régime général de sanctions de l’UE contre les activités de corruption de haut niveau, où qu’elles se produisent. Les recommandations politiques des chercheurs luxembourgeois devraient être publiées en février 2025. 

En tant que siège de l’un des principaux centres financiers internationaux d’Europe, le Luxembourg a un intérêt particulier à ne pas permettre l’utilisation abusive de ses installations. En outre, les nouvelles règles européennes en matière de sanctions ne devraient pas causer trop de maux de tête au pays, selon les experts juridiques. « Le Luxembourg dispose d’un secteur de conformité très important et bien informé, avec des experts qui savent comment traiter les sanctions », déclare Iryna Bogdanova.  

Malgré le fait qu’un tel nouveau régime nécessite une décision unanime du Conseil européen, et malgré les nombreuses étapes juridiques et les parties prenantes impliquées, les chercheurs sont confiants, comme le souligne Prof. Allegrezza : « Si la volonté politique est là, cela peut se faire très rapidement ».  

Assoc. Prof. Silvia Allegrezza
Assoc. Prof. Silvia Allegrezza

Associate professor in Criminal Law

Dr. Iryna Bogdanova

Postdoctoral researcher