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La recherche sur la COVID-19 : une histoire qui continue

  • Faculté des Sciences Humaines, des Sciences de l’Éducation et des Sciences Sociales (FHSE)
    Faculté des Sciences, des Technologies et de Médecine (FSTM)
    Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB)
    05 juillet 2024
  • Catégorie
    Recherche
  • Thème
    Sciences de la vie & médecine, Sciences sociales

Dès le début de la pandémie, les chercheurs de l’Université du Luxembourg ont utilisé leur expertise pour mieux comprendre le virus, ses symptômes et ses conséquences à long terme, et trouver des réponses efficaces contre sa propagation. Même si la crise est passée, les scientifiques continuent d’étudier différents aspects de la maladie.

Tirant parti des compétences interdisciplinaires existant à l’Université, différents projets se concentrent actuellement sur les liens entre la COVID-19 et la neurodégénérescence, ainsi que sur le COVID long. Ces travaux de recherche sur le long terme, soutenus au niveau national par le biais du programme CoVaLux, sont essentiels pour pleinement élucider les effets du virus SARS-CoV-2, pour trouver des moyens de les atténuer et être mieux préparé face aux futures pandémies.

Des études à grande échelle qui portent encore leurs fruits

Lancée en avril 2020, CON-VINCE était l’une des études à grande échelle initiées par des chercheurs au Luxembourg. Avec plus de 1800 participants dans le pays, cette initiative a permis de recueillir de nombreuses informations sur la prévalence, la transmission et la dynamique du virus dans le pays.

Avec des résultats publiés dans BMC Infectious Diseases au début de 2024, l’analyse de ces données fournit encore de nouveaux éclairages multidisciplinaires, de la façon dont l’immunité collective s’est mise en place au Luxembourg aux impacts de la pandémie sur le bien-être psychologique de la population. « Notre étude longitudinale met par exemple en évidence l’importance d’évaluer les effets néfastes de la pandémie non seulement du point de vue de la maladie elle-même mais aussi du point de vue de la santé mentale », explique Prof. Anja Leist de la Faculté des sciences humaines, des sciences de l’éducation et des sciences sociales (FHSE), l’un des auteurs de cette publication. « À un moment donné, nous avons observé une augmentation des dépressions, de l’anxiété et de la solitude, en particulier chez les femmes et les jeunes. Il est donc nécessaire de suivre l’évolution de ces paramètres et d’évaluer quel pourrait être l’impact durable de la pandémie sur la santé mentale des habitants. »

En plus de l’analyse des données, les échantillons biologiques stockés à la biobanque du Luxembourg seront tout aussi utiles pour étudier les possibles conséquences à long terme du virus sur la santé du cerveau. Dans le cadre de COMMUTE, un projet européen qui a débuté récemment, ils serviront à mieux comprendre comment les maladies infectieuses telles que la COVID-19 peuvent avoir un impact sur le risque de développer plus tard des troubles neurodégénératifs.

COVID-19 et neurodégénérescence

Les scientifiques du monde entier continuent d’étudier les divers effets du virus sur le corps humain. Au-delà des symptômes respiratoires bien documentés, des travaux de recherche récents suggèrent un possible lien entre COVID-19 et neurodégénérescence.

En mai 2024, des chercheurs de l’Université du Luxembourg ont contribué à cet effort mondial avec un article, publié dans The Lancet Neurology, discutant de la manière dont une infection par le virus SARS-CoV-2 pourrait exacerber voire déclencher des maladies neurodégénératives.

Dr Josh Berryman, chercheur à la Faculté des sciences, des technologies et de médecine (FSTM), a coordonné un groupe de travail de l’Union européenne, composé de médecins et de professeurs, qui a évalué les données existantes. Il résume leurs conclusions : « Pour faire court, le virus peut dans certains cas entraîner une neurodégénérescence mais le risque ne semble pas être beaucoup plus élevé que pour d’autres maladies infectieuses. Tous les patients atteints par la COVID-19 ne vont pas développer une maladie neurodégénérative. »

Les mécanismes qui se mettent en place à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2 et peuvent conduire vers la neurodégénérescence ne sont pas encore bien compris. Des études supplémentaires vont donc être nécessaires. Une des hypothèses est que certaines particules virales pourraient rester dans l’organisme d’un patient longtemps après son rétablissement. Ces protéines résiduelles du SARS-CoV-2 pourraient alors déclencher l’accumulation de dépôts amyloïdes, une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. L’infection semble également augmenter l’agrégation de la protéine tau, une autre cause de la maladie d’Alzheimer. Enfin, l’inflammation généralisée déclenchée par la COVID-19 pourrait aussi avoir des conséquences à long terme sur la santé du cerveau. Il est en effet bien connu qu’une inflammation chronique contribue à l’apparition de différentes maladies neurodégénératives.

« Nous savions déjà que certaines infections virales pouvaient déclencher la neurodégénérescence », explique Prof. Michael Heneka, directeur du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) et membre du même groupe de travail. « Il semble maintenant que la COVID-19 en fait partie, avec des données indiquant que ce virus est associé à un risque significatif de séquelles neurologiques progressives. » À la lumière de ces résultats, l’infection par le SARS-CoV-2 devrait être considérée comme un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer et les patients présentant des séquelles à la suite de la COVID-19 doivent bénéficier d’un suivi.

COVID long : explorer une pathologie complexe

Alors que ces résultats soulignent l’importance de suivre certains patients à long terme et de mener des études longitudinales pour évaluer les conséquences neurologiques de la maladie, plusieurs projets à l’université se concentrent sur ce qu’on appelle le COVID long.

Ce syndrome survient dans environ 10 % des cas et peut avoir un impact important sur la vie quotidienne des personnes atteintes. Sa durée et sa gravité varient largement, avec des symptômes qui comprennent fatigue, essoufflement, douleurs et troubles cognitifs. Les scientifiques cherchent à mieux comprendre cette pathologie et à développer des traitements adaptés.

Déterminer ce qui se passe exactement pendant le COVID long reste difficile. Le syndrome pourrait découler d’une réponse immunitaire excessive entraînant une inflammation prolongée du système nerveux, des dommages au niveau des vaisseaux sanguins et une dérégulation du métabolisme. « Bien que certains symptômes semblent être uniques au COVID long, il y a de nombreux points communs avec une maladie appelée encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique qui peut elle aussi se développer après une infection virale », détaille Prof. André Schulz, chercheur au Département des sciences comportementales et cognitives de la FHSE. « Avec SUMCO, nous voulons donc savoir s’il existe des mécanismes partagés par ces deux maladies, en se basant sur des évaluations psychologiques et physiologiques. Cela pourrait aider à mieux diagnostiquer les deux groupes de patients et à être plus efficace dans la recherche de traitements. »

Et chercher des traitements efficaces

« Avec divers symptômes impliquant plusieurs organes, la complexité du COVID long rend souvent les traitements actuels inadéquats, soulignant la nécessité de trouver de nouvelles solutions », ajoute Prof. Jochen Schneider, responsable de l’équipe Medical Translational Research au LCSB. « Étant donné que l’axe intestin-cerveau est fortement impliqué dans le COVID long, le jeûne thérapeutique émerge comme une alternative possible. »

La restriction calorique et le jeûne périodique peuvent être utilisés pour cibler les processus inflammatoires et un déséquilibre au niveau du microbiote intestinal, deux symptômes caractéristiques du COVID long. C’est pourquoi FastCoV, un projet de recherche interdisciplinaire réunissant plusieurs instituts de recherche et hôpitaux au Luxembourg et en Allemagne, étudie le jeûne comme option thérapeutique. « Les participants, recrutés par la division COVID long de la Rehaklinik au Centre Hospitalier Neuro-Psychiatrique (CHNP), suivront un programme de jeûne supervisé pendant 7 jours, avant de revenir à leur régime alimentaire habituel ou de suivre un régime anti-inflammatoire, » explique Dr Raquel Gómez Bravo, chercheuse clinicienne au CHNP. « Grâce à cette étude clinique, nous espérons obtenir des résultats scientifiques clairs sur les effets de la restriction calorique sur les symptômes du COVID long, ce qui pourrait conduire à des traitements sur mesure pour les patients. »

Comprendre le virus SARS-CoV-2, une tâche interdisciplinaire

Les divers projets menés à l’université soulignent qu’un ensemble de compétences en biologie, médecine, recherche clinique et en sciences sociales est essentiel pour étudier un phénomène aussi complexe que la COVID-19.

La liste des disciplines ne s’arrête d’ailleurs pas là : la science des données et la bioinformatique sont tout aussi indispensables. Pendant la pandémie, plusieurs contributions de chercheurs de l’université, allant de la modélisation de la propagation du virus à l’identification des patients à risque grâce à l’intelligence artificielle, ont montré que la lutte contre SARS-CoV-2 nécessitait un effort interdisciplinaire.

Cela reste vrai aujourd’hui. COMMUTE, le projet européen impliquant les équipes de Prof. Rejko Krüger et de Prof. Reinhard Schneider, s’appuiera par exemple sur l’intelligence artificielle pour analyser des données et sur l’expertise du Bioinformatics Core au LCSB pour convertir la riche littérature scientifique sur le virus en graphes résumant les connaissances actuelles. Dans le cadre d’un autre projet, le travail de bioinformaticiens et de physiciens du LCSB et de la FSTM a abouti au développement du Persistence Score, une nouvelle méthode pour évaluer le potentiel épidémique des nouveaux variants du SARS-CoV-2. « Nous nous sommes concentrés sur l’interaction entre le virus et les cellules humaines au niveau du récepteur ACE2 », explique Prof. Alexander Skupin, responsable de l’équipe Integrative Cell Signalling au LCSB. « En utilisant des données très détaillées et des simulations de la dynamique moléculaire, nous pouvons évaluer le risque pour chaque variant, à savoir si sa capacité à se transmettre est fortement accrue. Ce y compris pour de possibles futurs variants issus de recombinaisons comme Deltacron. » Conçue pour permettre de fonder les décisions politiques sur des données et d’adapter rapidement les mesures de lutte contre le virus, cette méthode devrait rejoindre la boîte à outils pour la préparation aux pandémies.

CoVaLux, un effort coordonné au niveau national, au carrefour de l’immunologie, de la psychologie, de l’épidémiologie, de la santé digitale, des sciences sociales et de la santé publique, est peut-être l’un des projets les plus interdisciplinaires actuellement en cours au Luxembourg. Depuis 2021, des chercheurs de l’université et de plusieurs autres institutions, coordonnés par le Prof. Paul Wilmes au LCSB et le Dr Guy Fagherazzi au Luxembourg Institute of Health, travaillent ensemble pour répondre à des questions clés liées à la vaccination et aux conséquences sanitaires à long terme de la COVID-19. Aujourd’hui, ce vaste programme fournit les ressources nécessaires pour continuer à collecter échantillons et données, et à les analyser.

En novembre 2024, l’équipe de CoVaLux se réunira sur le campus Belval pour un événement consacré au COVID long, soulignant qu’au-delà des diverses compétences nécessaires pour explorer toutes les facettes de cette maladie, poursuivre la recherche est un autre aspect clé. Les études à long-terme sont essentielles pour élucider le fonctionnement du virus, mieux comprendre son impact prolongé sur nos sociétés et mettre au point des mesures ciblées pour en atténuer les effets. C’est aussi de cette manière que nous pourrons être mieux préparés lorsque la prochaine pandémie surviendra.

Crédit pour la dernière image : Dr Thais Arns

En savoir plus sur les chercheurs

  • Prof Anja LEIST

    Prof Anja LEIST

    Full professor

  • Dr. Josh BERRYMAN

    Dr. Josh BERRYMAN

    Research scientist

  • Prof Michael HENEKA

    Prof Michael HENEKA

    Director of the "Luxembourg Centre for Systems Biomedicine"

  • Assoc. Prof André SCHULZ

    Assoc. Prof André SCHULZ

    Associate professor

  • Assist. Prof Jochen SCHNEIDER

    Assist. Prof Jochen SCHNEIDER

    Assistant professor / Senior research scientist, Medical Translational Research group

  • Dr Raquel GOMEZ BRAVO

    Clinician-scientist at the Centre Hospitalier Neuro-Psychiatrique (CHNP)

  • Prof Rejko KRÜGER

    Prof Rejko KRÜGER

    Full professor in Neurosciences – FNR PEARL Chair

  • Prof Reinhard SCHNEIDER

    Prof Reinhard SCHNEIDER

    Full professor / Chief scientist 1 in Bioinformatics, Head of bioinformatics core facility

  • Assoc. Prof Alexander SKUPIN

    Assoc. Prof Alexander SKUPIN

    Associate professor/Chief scientist 2 in Modelling of Biomedical Data

  • Prof Paul WILMES

    Prof Paul WILMES

    Full professor in Systems Ecology