Le professeur Paul Wilmes vient de recevoir une bourse « Proof-of-Concept » du Conseil européen de la recherche (ERC) afin d’étudier si de petites protéines produites par certains de microbes présents dans l’intestin pourraient servir de biomarqueurs pour la maladie de Parkinson. Cette maladie neurodégénérative, qui touche plus de 6 millions de personnes dans le monde, est généralement diagnostiquée lorsque des symptômes moteurs apparaissent et que les lésions neurologiques sont déjà importantes. La détecter de façon précoce permettrait donc de prendre en charge les patients plus tôt afin de retarder la progression de la maladie. C’est là que les microbes qui peuplent l’intestin humain entrent en jeu.
« Dans le cadre du projet ExpoBiome, financé par une bourse Consolidator de l’ERC, nous avons découvert que certaines petites protéines produites par le microbiote intestinal peuvent déclencher l’agrégation de l’α-synucléine caractéristique de la maladie de Parkinson », explique le professeur Wilmes, responsable de l’équipe Systems Ecology au LCSB. « Avec cette nouvelle bourse de l’ERC, nous voulons maintenant établir si ces petites protéines microbiennes peuvent servir de biomarqueur, cela signifie que mesurer leur concentration dans des échantillons fécaux ou sanguins pourrait devenir un moyen efficace d’identifier les personnes à risque et de détecter la maladie à un stade précoce. »
Pleins feux sur les protéines microbiennes

Les résultats obtenus dans le cadre d’ExpoBiome ayant mis en évidence le potentiel de ces petites protéines microbiennes, le professeur Wilmes et son équipe ont développé et breveté une méthode, basée sur des technologies omiques de pointe et sur l’intelligence artificielle, pour identifier les protéines les plus prometteuses.
Image : Exemple de structure 3D d’une petite protéine microbienne (six copies en vert) qui se fixe sur l’α-synucléine humaine (en bleu) pour former un agrégat amyloïde, la caractéristique moléculaire de la maladie de Parkinson.
Affiner la méthodologie et évaluer le potentiel commercial
Grâce à la bourse « Proof-of-Concept » de l’ERC, les chercheurs vont pouvoir affiner leur méthode et effectuer des analyses sur des échantillons de selles et de sang provenant de patients, de personnes présentant un trouble du sommeil qui correspond souvent à un stade très précoce de la maladie de Parkinson, et de volontaires en bonne santé. Confirmer la présence des protéines microbiennes sélectionnées dans le sang ou les selles des personnes à risque et des patients sera le premier pas vers un outil de dépistage précoce non invasif. La subvention va notamment permettre à l’équipe d’étudier la faisabilité technique de leur méthode et d’évaluer son potentiel commercial en réalisant une analyse de marché.
De la recherche à l’application clinique avec des partenaires internationaux
Le projet va impliquer plusieurs partenaires internationaux, à la fois pour la recherche clinique et pour l’élaboration d’une stratégie de commercialisation. Des collaborations établies avec le professeur Brit Mollenhauer de la Paracelsus-Klinik à Kassel et de l’University Medical Center Göttingen, ainsi qu’avec l’équipe du professeur Ami Bhatt à l’Université de Stanford contribueront par exemple à la collecte d’échantillons et aux études cliniques. En parallèle, des partenaires tels que Dr Robert Hettich de l’Oak Ridge National Laboratory et Catalyze apporteront leur aide pour certaines analyses et pour le développement commercial. D’autres collaborateurs ont par ailleurs déjà manifesté leur intérêt pour le projet : SeNostic GmbH, une société allemande qui développe des outils diagnostiques innovants pour les troubles neurodégénératifs, et NLC Health Ventures, un fonds d’investissement basé à Amsterdam qui se consacre à la transformation de découvertes scientifiques en applications cliniques prêtes à être commercialisées.
« Plusieurs choses m’ont permis d’obtenir cette bourse de l’ERC et ont contribué à ce succès : un séjour à l’Université de Stanford en 2024 au cours duquel j’ai posé les bases scientifiques du projet, puis, à mon retour, la poursuite des travaux avec des collaborateurs de l’Université du Luxembourg et le soutien des Rotary Clubs du Luxembourg au travers du programme Espoir-en-Tête », conclut le professeur Wilmes. « Nous espérons maintenant que ce projet va aboutir au premier test diagnostique sanguin basé sur des protéines issues du microbiote pour une maladie chronique. Il s’agirait d’une avancée majeure pour le dépistage précoce et la prise en charge de la maladie de Parkinson, qui permettrait d’intervenir tôt et d’améliorer la qualité de vie des patients. »
Le projet ExpoBiome a reçu un financement du Conseil européen de la recherche dans le cadre d’Horizon 2020, le programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne (convention n° 863664).
Le séjour du professeur Wilmes à l’Université de Stanford a été financé grâce à une bourse de la Commission Fulbright pour la Belgique et le Luxembourg et à une bourse INTER-MOBILILTY du Luxembourg National Research Fund (référence 17856242).
Le projet « Microbiome-derived amyloids as triggers of protein aggregation in neurodegenerative diseases », mené en collaboration avec les professeurs Michael Heneka et Alexandre Tkatchenko, est soutenu par un financement des Rotary Clubs du Luxembourg dans le cadre du programme Espoir-en-Tête.