Les réseaux sociaux se sont avérés être un terrain fertile pour la montée du populisme, offrant un espace de libre expression aux discours polarisants et à la diffusion de fausses informations. À travers le monde, la montée du populisme est un défi d’ampleur à la résilience et la stabilité politiques
Un partenaire inattendu se démarque : pour la première fois, des chercheurs en finance et en économie combinent des modèles et des théories issus de la finance, de la robotique, de l’économie et des sciences naturelles pour étudier quantitativement les données liées à l’augmentation et à l’omniprésence du populisme dans les réseaux sociaux. Les découvertes sur ce phénomène complexe pourraient nourrir l’élaboration de politiques résilientes contre la désinformation, les préjugés et la polarisation.
« L’un des principaux objectifs de notre projet POPULISM est de mettre au point des méthodes quantitatives pratiques pour étudier comment les valeurs sociopolitiques actuelles des individus affectent leur façon d’interagir sur les réseaux sociaux, et comment l’évolution de ces interactions affectera l’évolution des valeurs sociopolitiques des individus à l’avenir », explique Christos Koulovatianos, professeur de finance à l’Université du Luxembourg.
Définition du populisme
« Dans notre étude, nous nous concentrons sur deux aspects clés du populisme, la polarisation qu’il induit, créant essentiellement une division entre « l’élite » et « le peuple », ainsi que la tendance à ignorer les faits, la réalité et les opinions d’experts », explique Prof. Koulovatianos.
Avec les professeurs Christopher Rauh de la Barcelona School of Economics et Carsten Schroeder de l’Institut allemand d’études économiques, ils poursuivent un objectif ambitieux : fournir des modèles mathématiques cohérents de théorie appliquée et des méthodes statistiques qui permettent à la fois de suivre ces deux tendances inhérentes au populisme et d’analyser leurs déterminants au fil du temps.
‟ Notre but est de pouvoir proposer des outils pour lutter contre les risques et les dangers d’une mauvaise prise de décision collective. Les menaces contre la démocratie oula santé publique sont des exemples pertinents illustrant l’impact de la propagation de fausses informations.”
Head of DF, Full professor
L’étude de trois ans, judicieusement baptisée POPULISM (« Comprendre et quantifier les forces motrices et les effets du populisme »), est financée par une subvention CORE du Luxembourg National Research Fund (FNR).
Quantifier la chambre d’écho des médias sociaux
POPULISM examine ce phénomène sociétal à travers une lentille empirique. Les chercheurs redéfinissent et quantifient les références textuelles issues des réseaux sociaux, en utilisant la théorie des réseaux pour enregistrer les tendances des interactions entre les utilisateurs. Ensuite, ils introduisent la théorie de la décision à l’intérieur des modèles de la théorie des réseaux provenant eux-mêmes sciences naturelles. La finalité est de comprendre pourquoi et comment les utilisateurs de médias sociaux forment des groupes politiques et des forums d’opinion. Ce faisant, ils modélisent l’interaction entre différents indicateurs dont les écarts socio-économiques, la polarisation sociétale, les opinions politiques, les comportements électoraux, les politiques d’austérité, l’instabilité financière ainsi que l’évolution du populisme à travers les plateformes de médias sociaux.
L’équipe de recherche a déjà utilisé des données empiriques pour illustrer la montée du populisme en Europe. Ainsi, les chercheurs ont constaté une augmentation importante des indices de conflit politique/polarisation, et des tendances à s’éloigner des faits réels dans un grand nombre de pays européens.
Alors que les théories développées par le projet POPULISM n’ont pas permis d’identifier avec précision la cause principale de ces tendances, la recherche parvient à combiner plusieurs théories de modélisation, à savoir : la théorie de l’apprentissage statistique de la robotique, la théorie de la décision, la théorie des jeux à champ moyen, la théorie des graphs de l’économie, ainsi que la nouvelle analyse des « graphons » provenant de la théorie des réseaux. Un graphon ou « fonction de graphe » est un objet mathématique, découvert récemment, qui permet aux scientifiques de traiter d’énormes quantités de données en « reconditionnant » les informations dans des formules plus facilement manipulables qui n’utilisent qu’un petit nombre de valeurs de paramètres.

Simulation de l’évolution des dynamiques sociopolitiques reflétant les valeurs polarisantes diffusées par les médias sociaux
Analyser quantitativement les décisions humaines
Les résultats de la recherche montrent que plus les individus se connectent sur les médias sociaux et plus leurs opinions antérieures semblent se radicaliser à mesure qu’ils interagissent avec d’autres personnes qui ont des opinions similaires. « Au cours des deux années restantes du projet », déclare Prof. Koulovatianos. « Nous tenterons d’ouvrir la voie à une meilleure compréhension du rôle que joue la mise en réseau dans le développement des chambres d’écho et dans la diffusion de fausses nouvelles ».
Dans un monde où les émotions et les impulsions semblent régir nos interactions sur les réseaux sociaux, le développement de méthodes empiriques fondées sur la recherche pour comprendre et interpréter ce comportement est un moyen d’apporter de l’objectivité au débat.
À propos du FNR CORE
Le programme CORE, géré par le Luxembourg National Research Fund (FNR), vise à renforcer l’excellence scientifique de la recherche publique en accord avec les priorités de la nation en matière de recherche. Cette initiative de recherche thématique pluriannuelle apporte un soutien aux chercheurs à différents stades de leur carrière, du post-doc aux chercheurs confirmés. Pour plus d’informations, visitez FNR CORE.