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De Saint-Louis au monde entier – À la recherche de l’histoire du 1er mai

  • Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2DH)
    30 avril 2025
  • Catégorie
    Recherche
  • Thème
    Sciences humaines

Le 1er mai, jour de la fête du Travail, est commémoré dans le monde entier. C’est un jour férié officiel dans 161 pays et l’on retrouve ses traces dans les pays qui ne l’ont pas déclaré férié. Pour un jour qui n’existait pas avant 1890, n’est-ce pas impressionnant ?

Andrew Pfannkuche est doctorant au C²DH (Centre for Contemporary and Digital History) de l’Université. Dans le cadre de sa thèse, il utilise des méthodes numériques pour explorer l’histoire mondiale du 1er mai. Dans cet éditorial, il nous livre quelques-unes de ses conclusions.

L’histoire du 1er mai se retrace au niveau mondial, mais il n’est pas apparu partout en même temps. En réalité, cette journée est apparu dans différents pays grâce aux efforts et à l’engagement des organisateurs de la classe ouvrière – anarchistes, socialistes et communistes – qui étaient confrontés aux mêmes luttes et aspirations de la classe ouvrière à travers le monde.”
Andrew PFANNKUCHE

Andrew PFANNKUCHE

Doctoral researcher

Grève pour la journée de huit heures

L’histoire du 1er mai, telle qu’elle est souvent racontée, commence à Chicago, dans l’Illinois, où quatre anarchistes germano-américains ont été pendus en 1887 pour leur participation à une grève de 1886 pour la journée de huit heures, le tristement célèbre massacre de Haymarket.

Mais ce n’est qu’un mythe. L’histoire est en réalité beaucoup plus internationale et commence un an plus tard, en 1888, dans la ville de Saint-Louis, dans le Missouri, où la toute nouvelle Fédération américaine du travail (American Federation of Labor) organisa une autre grève pour la journée de huit heures qui devait débuter le 1er mai 1890.

Les socialistes européens – qui avaient organisé la première conférence de l’Internationale ouvrière à Paris – ont adhéré à l’idée d’une grève pour la journée de huit heures. La question de savoir si le 1er mai 1890 serait, à proprement parler, une grève a été délibérément laissée en suspens. Mais les socialistes européens convinrent que partout où il y avait une classe ouvrière socialiste, il y aurait également une grève pour la journée de huit heures. Des banderoles furent imprimées, des réunions organisées, et le jour venu, les travailleurs posèrent leurs outils et se mirent en grève. Le 1er mai était né.

Photo non datée d’un défilé du 1er mai à Esch-sur-Alzette (probablement fin des années 20 ou début des années 30). Photothèque de la Ville d’Esch-sur-Alzette

Naissance d’une tradition

Si ce 1er mai initial ne permit pas d’obtenir la journée de huit heures, il réussit accidentellement à créer une tradition ouvrière. Alors que cette journée s’estompait peu à peu aux États-Unis, elle a pris de l’ampleur en Europe, devenant le jour férié que nous connaissons tous. Pourtant, l’histoire du 1er mai se poursuit : la journée apparaît aux Philippines en 1903, au Costa Rica en 1913, et le sous-continent indien a connu son premier 1er mai qen 1923 !

Dans chacun de ces endroits, l’on retrouve histoires inspirantes : aux Philippines, celle d’un médecin local qui a étudié en Espagne, Dominador Gómez, tandis qu’en Inde, c’est celle d’un avocat de Chennai nommé Malayapuram Singaravelu. Ce sont des organisateurs comme eux qui ont traversé le monde et fait connaître le 1er mai à la fois comme une fête de la classe ouvrière et une manifestation pour la journée de huit heures. Leurs convictions communes en matière de justice sociale, d’égalité et d’internationalisme ont fait du 1er mai bien plus qu’un simple jour férié nord-atlantique.

L’internationalisme devenu réalité

L’internationalisme est ce qui distingue les partis ouvriers des partis aux perspectives politiques traditionnelles. C’est également ce qui rend le 1er mai si unique par rapport aux autres fêtes politiques. Les militants ouvriers ont toujours cherché à s’organiser à l’échelle internationale car, selon eux l’égalité n’est qu’un mot si elle ne dépasse pas les frontières nationales.

Cela est plus facile à dire qu’à faire. Les socialistes européens et américains ont en commun une longue histoire de luttes pour faire de cet idéal de justice sociale universelle une réalité concrète, même au sein de leurs propres partis et à l’intérieur de leurs frontières nationales. Les travailleuses, les personnes immigrées et racisées continuent de se battre pour obtenir une place égale au sein de ces mouvements. Mais le 1er mai est un symbole qui aspire à surmonter ces échecs, en diffusant l’idée simple qu’il n’existe pas différentes classes ouvrières nationales séparées par le sexe, la nationalité ou la race, mais une seule classe ouvrière qui partage une lutte commune pour la justice sociale et un avenir meilleur.

L’histoire du 1er mai a commencé aux États-Unis et en Europe, mais elle s’est répandue aux quatre coins du monde. C’est une fête mondiale qui revendique la journée de huit heures, des salaires équitables et la liberté face à l’exploitation économique. Pas seulement au Luxembourg, mais pour tous ceux qui travaillent, partout dans le monde.

Rédigé par Andrew Pfannkuche, doctorant au C²DH