Dr. Kouroch Bellis a donné, le mardi 20 février 2024, une conférence sur la réforme du droit luxembourgeois des contrats. Diplômé de la Yale Law School et docteur en droit de l’Université Paris Panthéon-Assas, il est chargé du suivi du projet de modernisation du Code civil en tant que chercheur en postdoctorat. Ce poste est financé par le ministère de la Justice dans le cadre de son partenariat avec l’Université. La conférence était organisée par le Groupe de réflexion en droit privé luxembourgeois, présidé par Dr. David Hiez, professeur à l’Université du Luxembourg et président du comité de pilotage du projet de modernisation du Code civil. Pour mener la discussion sur le contenu de la conférence, Dr. Pascal Ancel, professeur émérite à l’Université du Luxembourg et responsable scientifique du projet de réforme du droit des contrats, a été invité.
Dr. Bellis a choisi de traiter du sujet à travers la question transversale de la force obligatoire du contrat. Selon lui, le contrat est un outil fondamental de liberté individuelle. Les inégalités sont néanmoins un frein à l’exercice de cette liberté. Pour la restaurer, il apparaît nécessaire de renforcer la force obligatoire de la loi, dans un monde où l’argent est devenu une valeur reine et où les droits individuels sont affaiblis par la politique du fait accompli. Ce sont les victimes d’injustices et les parties faibles pourtant non fautives qui pâtissent le plus de cette situation. La réforme du droit des contrats devrait donc donner des directives claires et précises et promouvoir avec force le respect des contrats. Par ailleurs, Dr. Bellis a rappelé que la vie du droit est d’abord non contentieuse. La loi devrait donc aider au déroulement non contentieux de la vie des citoyens et des activités des professionnels, leur permettre de connaître leurs droits et devoirs, prévenir ainsi les procès et promouvoir la paix sociale. Il a souligné à cette occasion la lourde responsabilité morale qu’il y a à façonner des lois, puisque l’impact des procès sur les êtres humains est réel, surtout pour les parties en difficultés ou en situation de faiblesse. L’enseignant-chercheur a en outre replacé la réforme dans son contexte international. Il a appelé à prendre en compte les aspects positifs et ingénieux des droits anglo-américains, appréciés et choisis dans la pratique des affaires. Selon lui, sécurité du commerce et des affaires, protection des parties faibles et respect des valeurs éthiques, loin de s’opposer, peuvent aller main dans la main. Dans cette idée, il a exposé une série de solutions techniques aux problèmes contemporains du droit des contrats et a fait des propositions de dispositions législatives qui traduiraient ces solutions dans le nouveau luxembourgeois droit des contrats.
Dr. Ancel a salué une « présentation foisonnante et passionnée », un style selon lui caractéristique de Dr. Bellis. Il a fait porter la discussion sur la notion de force obligatoire du contrat, dont on peut avoir une conception stricte ou large, et les rapports entre force majeure et imprévision. Des participants ont ensuite fait un retour pratique sur le besoin de renforcer la force obligatoire des contrats, tel que prôné par Dr. Bellis, et sur les échanges avec les droits anglo-américains, qui ont l’atout de la sécurité juridique. Dr. Ancel a alors souligné sur ce point que Dr. Bellis s’inspire explicitement de ces droits sur certains aspects mais s’en écarte tout aussi explicitement sur d’autres. L’enseignant-chercheur a fait part de son expérience américaine, qui l’a amené à constater parfois le bien-fondé de nos traditions juridiques sur certaines solutions mais parfois aussi l’ingéniosité d’une série de doctrines américaines sur des points qui ne sont pas résolus de manière satisfaisante en Europe. Des interrogations sont nées sur les conditions dans lesquelles un contractant lésé peut demander son droit et sur les risques associés à un plus grand pouvoir du juge. Il estimait qu’il est préférable d’analyser la question de manière plus large : il faut avoir en vue l’intérêt général à la paix, notamment dans les familles, et à ce qu’on respecte ses obligations. Il faut donc des règles claires, encadrant le travail du juge, pour diminuer le contentieux lui-même tout en préservant la justice entre les citoyens.
Dr. Ancel a clôturé la séance en rappelant que toutes les questions évoquées dans la présentation de Dr. Bellis feront l’objet d’une attention importante dans le cadre de la réforme, car elles touchent aux questions les plus fondamentales du droit des contrats.