Au gré des transactions, des salons et des ventes aux enchères qui font les gros titres, l’art se positionne comme une classe d’actifs qui peut éveiller bien des intérêts. Julien Pénasse a décortiqué dans une étude les bulles et la spéculation qui caractérisent ce marché.
L’art se distingue des autres marchés : « La plupart des marchés d’actifs — actions, immobiliers, change, etc. — sont très volatils et le marché de l’art ne déroge pas à la règle. Cependant, il se distingue par le fait que l’essentiel de cette volatilité peut être expliqué par la spéculation financière. Depuis le milieu des années cinquante à aujourd’hui, le marché semble avoir été secoué par une succession de bulles ».
En théorie, le prix des œuvres d’art devrait refléter la demande actuelle et future. Si on s’attend à voir beaucoup de millionnaires et de milliardaires demain, cela devrait se refléter aujourd’hui : les prix devraient être élevés. « Il y a beaucoup d’acheteurs sophistiqués sur le marché qui tablent sur ce type de stratégies ». En pratique, cette théorie ne se vérifie pas dans les données. « Nos données montrent plutôt l’inverse, à savoir que lorsqu’il y a beaucoup de milliardaires, les prix ont tendance à monter puis à descendre. Nous pouvons expliquer cela par le fait que les gens sur-réagissent ou même extrapolent la demande passée, ce qui est plausible compte tenu de l’opacité du marché », souligne Julien Pénasse.
Le poids du biais de survie
Évidemment, tous les segments de ce vaste marché n’évoluent pas à la même cadence. Le marché de l’art contemporain, par exemple, se caractérise par une forte volatilité à l’heure où certains artistes voient leur cote décoller à des niveaux stratosphériques, comme Banksy pour ne citer que lui. Cependant, cela ne veut pas dire qu’investir dans l’ultra contemporain est une bonne idée. « Il existe ce qu’on appelle un biais de survie. » Parmi 10 000 étudiants diplômés d’école d’art, peut-être que deux connaîtront un succès international. C’est d’eux que parleront les médias, pas des autres. Si vous investissez aujourd’hui dans un jeune artiste contemporain, vous ne pouvez pas avoir la garantie qu’il aura du succès et que sa cote montera.
‟ Sur le long terme, acheter dans l’art reste extrêmement risqué.”

Professeur adjoint en Finance
Enfin, si les chances de voir l’art rapporter quelque chose sont maigres, ajoutons que cette classe d’actifs ne propose pas de rendement tangible — comme les loyers dans l’immobilier ou les dividendes pour les actions — mais plutôt un rendement subjectif car lié au fait de posséder l’œuvre. « Sur le long terme, acheter dans l’art reste extrêmement risqué », souligne le professeur.
« Il y a un paradoxe. Construire une collection implique investir dans une minorité d’artistes. Mais cela veut dire prendre beaucoup de risques car on ne diversifie pas. Alternativement, on peut diversifier et investir dans beaucoup d’artistes, peut-être via un fonds d’investissement ; mais en faisant cela, on rate l’opportunité du rendement esthétique ou social de posséder une collection. »
Mais l’art est aussi un achat coup de cœur. Et l’adage est connu : quand on aime, on ne compte pas.
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