Comment l’écosystème microbien de notre appareil digestif influence notre état de santé
Les bactéries présentes dans notre intestin peuvent-elles être à l’origine des cancers ou même des maladies neurodégénératives du cerveau ? Peuvent-elles déterminer si nous sommes obèses ou maigres ? Et si c’est le cas, comment pourrions-nous influencer des milliards de microorganismes qui vivent dans notre corps ? Le groupe Systems Ecology du LCSB cherche à apporter des réponses à ces questions et à d’autres concernant le microbiote, la communauté de tous les organismes microbiens qui vivent dans et sur notre corps. Au total, plus de 1 500 espèces différentes représentent environ 1,5 kg de notre masse corporelle. Depuis cinq ans, cet écosystème présent dans notre corps a fait l’objet de nombreuses études en raison de son impact potentiellement considérable sur la santé humaine.
« Nous savons que l’équilibre entre différents types de microbes est important », indique le professeur Paul Wilmes, qui dirige le groupe System Ecology du LCSB. « Toutefois, nous ne comprenons pas encore comment les perturbations de cet équilibre, par exemple en raison d’une plus grande abondance d’un type de microbes, peuvent entraîner différentes maladies, telles que le cancer, les troubles du métabolisme ou même la maladie de Parkinson. » Paul Wilmes et son équipe ont donc entrepris d’étudier les interactions entre différentes compositions microbiennes et les cellules épithéliales de l’intestin. Ils supposent que les changements susceptibles de déclencher une maladie seront d’abord visibles à cette interface entre les microbes et leur hôte humain.
En analysant des échantillons de selles de volontaires, les chercheurs commencent par identifier les types de bactéries présents chez les sujets malades et en sains. Dans un deuxième temps, ils souhaitent étudier l’effet de ces différences sur les cellules de l’intestin et déterminer si elles pourraient être à l’origine des maladies. Comme les expériences sur des sujets humains seraient trop invasives pour répondre à ces questions et que le microbiote intestinal des souris est très différent de celui des humains, Wilmes et son équipe ont mis au point un nouveau modèle in vitro, appelé HuMiX. Ce dispositif microfluidique permet de cultiver des cellules épithéliales de l’intestin humain en présence de communautés microbiennes. « Nous pouvons exposer les cellules humaines à différentes compositions bactériennes et observer les voies moléculaires qu’elles pourraient déclencher dans l’intestin et dans quelles conditions », explique Wilmes. Les résultats pourraient contribuer au criblage des micro-organismes pour leurs effets bénéfiques potentiels, tels que les propriétés anti-inflammatoires, qui pourraient ainsi influencer les maladies, telles que les allergies ou les troubles auto-immuns.
Récemment, l’équipe a fait passer HuMiX au niveau supérieur : MicroGUT est un modèle in vitro de l’ensemble du tractus gastro-intestinal humain. Différentes unités, permettant de simuler chaque partie de l’intestin, sont utilisées pour étudier les effets des bactéries, des nutriments et des médicaments sur la physiologie humaine. « Nous pouvons l’utiliser pour simuler certains processus dans les différents segments du tractus gastro-intestinal, comme le catabolisme des médicaments dans le corps », précise Wilmes. Les chercheurs ont maintenant l’intention d’utiliser MicroGUT pour évaluer la pharmacocinétique sur une base individuelle sans avoir recours à de modèles animaux, et par la suite pour personnaliser de manière optimale la thérapie médicamenteuse.