Le Forum Z intitulé « De fortes inégalités ? Le paradoxe luxembourgeois ; la médiatisation des inégalités au Luxembourg » et organisé par le C²DH, s’est tenu à la Chambre des salariés le 1er octobre 2025. Il avait l’ambition de réunir un public large (venu très nombreux), des chercheurs historiens et géographes (Denis Scuto, Claudia De Martino, Estelle Berthereau, Antoine Paccoud et Estelle Evrard) et des membres de la société civile (Laura Zuccoli pour Médecins du monde et ASTI, Valérie Scuto pour Kannerschlass, Gary Diderich pour Life asbl, Thomas Oswald pour les Offices sociaux et Gilles Hempel, le modérateur de la table ronde, pour Fondation pour l’accès au logement).
Des inégalités accrues
Après quelques questions sur les inégalités perçues au Luxembourg posées au public, d’où il ressort que les inégalités sont considérées comme s’étant accrues ces vingt dernières années, notamment concernant l’accès au logement, les discriminations, les inégalités de revenu et de patrimoine, un exposé sur la médiatisation des inégalités a été réalisé par Estelle Berthereau (C²DH) sur l’augmentation de l’usage des notions d’inégalités au Luxembourg ces vingt dernières années, tandis que la notion de pauvreté était préférée durant la période antérieure, la richesse étant toujours sous-traitée au Luxembourg. Pourtant, malgré le manque de données, notamment fiscales, la presse rapporte les études d’OXFAM qui compte 0,1% des plus riches du monde vivant au Luxembourg en 2017 ou de Swissquote Bank Europe qui voit le seuil de 30 000 euros brut par mois et 365 000 bruts par an pour se sentir riche au Luxembourg en 2024. La presse comme la radio se font également l’écho d’une augmentation des inégalités au Luxembourg notamment après la grande crise de 2008 et entre 2017 et les années Covid, ce que la recherche atteste notamment pour la part des 1 % les plus riches au Luxembourg tout comme pour le coefficient de Gini des revenus avant imposition : le Luxembourg est globalement le pays le plus inégalitaire de la Grande région selon ces critères, depuis les années 1990.
Une nouvelle médiatisation de la pauvreté
La table ronde a, ensuite, réagi aux vidéos produites par la télévision et les plateformes sur les quatre volets choisis autour de la médiatisation nouvelle de la pauvreté dont la pauvreté infantile, des inégalités liées au logement, ou encore des inégalités impactant la santé ou les frontaliers.
Thomas Oswald a attiré l’attention sur les distinctions systémiques Nord/Sud au Luxembourg avec davantage de personnes au salaire minimum et dépendant des aides sociales au Nord. Laura Zuccoli a insisté sur l’évolution de la pauvreté chez les immigrés : le taux de risque de pauvreté des Portugais est de plus de 40 % et a augmenté de 13 % en un an d’après le dernier rapport du Statec. Parmi eux, on compte un fort pourcentage de petites pensions et de locataires. La perte de logement pour bon nombre de résidents fragilisés par la hausse des prix du logement s’avère être catastrophique car elle signifie aussi la perte de tous leurs droits. D’où un marché florissant de « boîtes aux lettres » appauvrissant encore davantage les personnes précaires. Denis Scuto a rappelé le passage du Luxembourg du pays pauvre au pays riche avec l’industrialisation des villes du Sud et la lutte des syndicats pour l’établissement d’un État social. Valérie Scuto pour Kannerschlass, a exposé le niveau inquiétant de la pauvreté infantile au Luxembourg qui se matérialise d’abord par des privations parfois invisibilisées au sein de la communauté. Cette pauvreté infantile peut malheureusement impacter des générations entières avec des enfants qui, ayant vécu la précarité, n’enrayent pas nécessairement la spirale, une fois devenus adultes. Claudia De Martino a rebondi en rappelant que le taux de risque de pauvreté infantile a augmenté depuis 2021, les transferts sociaux n’ayant pas permis de la cibler ni de l’enrayer efficacement.
Pour le logement, Gary Diderich pour Life asbl est revenu sur les difficultés de logement pour les gens au REVIS entre autres, et du projet de l’association d’organiser 80 colocations de nécessité et de loger 250 bénéficiaires de la protection internationale. Les familles monoparentales dans le besoin sont sur-représentées. Antoine Paccoud pour le LISER a signalé que le problème du logement au Luxembourg n’était pas nouveau, qu’il était documenté et connu de tous mais qu’il était utilisé afin d’exclure la pauvreté du Luxembourg et de générer un rapport de domination qu’une vingtaine de familles de grands bailleurs entretiennent sur le reste de la population.
Concernant la santé, Laura Zuccoli a évoqué la création d’un projet de santé pilote pour assurer la couverture universelle aux gens dans la rue dont le suivi médical peut s’avérer complexe mais essentiel pour la société au regard des coûts plus importants d’une prise en charge médicale plus tardive. Denis Scuto revient alors sur l’histoire de la santé au Luxembourg avec l’importance de l’étude des catégories de classe et de nationalité.
Enfin, concernant les frontaliers, Estelle Evrard pour le département de géographie de l’Université du Luxembourg a réagi en définissant le concept des « frontaliers atypiques » évoluant dans des territoires interdépendants, porteurs d’inégalités, notamment à la frontière entre la France et le Luxembourg, surtout dans une perspective de la création d’une métropole transfrontalière.
L’événement s’est conclu sur une dernière question sur ce qu’il faudrait faire en priorité pour réduire les inégalités au Luxembourg, le logement occupant toujours une place privilégiée dans les propositions apportées comme la densification du territoire, le plafonnement des loyers ou l’imposition des logements vides.