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L’héritage durable de l’exposition « Family of Man »

  • 24 octobre 2024
  • Catégorie
    Recherche, Relations avec le public
  • Thème
    Sciences humaines

Réflexions sur la photographie, la dynamique de la guerre froide et la préservation du patrimoine

À l’occasion de la Journée internationale du patrimoine audiovisuel, l’Université annonce un projet de recherche novateur qui explorera de nouvelles facettes de l’exposition photographique emblématique « The Family of Man » et de son impact international pendant la guerre froide. En outre, le projet étudiera la manière dont l’exposition a été accueillie au Luxembourg, en révélant les réactions et les perspectives du public local. Le projet sera porté par le Prof. Andreas Fickers du Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2DH), en collaboration avec le Centre National Audiovisuel (CNA).

The Family of Man exhibition in Clervaux castle

Vue de la galerie du château de Clervaux © Romain Girtgen/ CNA, 2021

Au Luxembourg, l’exposition évoque souvent le Château de Clervaux. Un voyage dans cette ville pittoresque s’accompagne généralement d’une visite à la célèbre exposition photographique d’Edward Steichen. Depuis 1994, « The Family of Man » est exposée en permanence à Clervaux. Mais où était-elle auparavant ?

L’exposition a été inaugurée au Museum of Modern Art de New York en 1955, où Edward Steichen était directeur du département de photographie. Par la suite, elle a été gérée par l’Agence d’information des États-Unis (USIA) et a fait le tour de 37 pays avant de trouver un lieu d’accueil permanent au Luxembourg.

« Family of Man » en tournée

En pleine guerre froide, l’USIA profite de l’exposition itinérante pour présenter le mode de vie américain à un public international. Cependant, Steichen avait conçu l’exposition pour montrer les liens entre les humains et que l’humanité constitue une seule et même « Family of Man ». Cette « famille » était désormais menacée par l’anéantissement nucléaire, ce que soulignait la seule photographie en couleur de l’exposition originale : une explosion nucléaire. L’œuvre de Steichen a été profondément marquée par son expérience directe en tant que photographe de guerre pendant les deux guerres mondiales, et « Family of Man » était un projet pacifiste du point de vue de son commissaire.

Bien que la tournée mondiale de l’exposition se soit concentrée sur l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie de l’Est (le Japon et la Corée du Sud), elle a dépassé le rideau de fer (la Pologne et URSS) et a atteint des pays du Sud (Guatemala, Chili, Afrique du Sud, Égypte, Afghanistan), dont beaucoup n’étaient devenus indépendants que récemment (Inde, Sri Lanka, Indonésie, Philippines, Laos, Liban, Syrie). Dans le cadre de la guerre froide, les États-Unis et l’URSS cherchaient à étendre leur influence dans ces pays nouvellement indépendants. Il n’est donc pas surprenant que l’USIA y ait utilisé « Family of Man » pour dépeindre les idéaux occidentaux.

The Family of Man world map

La tournée internationale de 1955 à 1965. Carte crée par le CNA.

La réception internationale

Une chercheuse, Emilia Sánchez González, se concentrera sur la tournée mondiale de « Family of Man » et analysera comment l’exposition a été adaptée dans les divers endroits. En plus d’étudier de près les documents d’archives (lettres, livres d’or, journaux), elle se rendra à certaines des étapes de la tournée et utilisera des approches d’histoire publique pour impliquer les publics actuels dans l’histoire de l’exposition.

Elle organisera des événements pour les communautés locales, durant lesquels les participants seront invités à partager leurs réflexions sur les photographies, les contextes culturels et politiques et les souvenirs transmis par les générations précédentes. Avec un peu de chance, Emilia pourra trouver des personnes qui ont des souvenirs de première main. Tous les supports possibles seront ensuite numérisés et constitueront des archives publiques de la tournée mondiale de « Family of Man ».

Emilia Sánchez González working on The Family of Man

Emilia Sánchez González

L’exposition au Luxembourg

Le chercheur Claude Ewert s’intéressera à l’accueil de l’exposition au Luxembourg. En 1952, Steichen avait l’intention de commencer la tournée mondiale au Luxembourg. Mais les autorités luxembourgeoises déclarent à Steichen que la photographie n’est pas de l’art et le Luxembourg est rayé de la liste. Après la tournée mondiale, l’USIA a fait don de l’exposition au Grand-Duché, dans l’espoir qu’elle devienne une exposition permanente au château de Clervaux. Mais dans un premier temps, les 503 photographies sont restées dans les caves de l’état.

La politique culturelle luxembourgeoise subit de nombreuses transformations dans l’après-guerre, de même que sa perception de l’exposition. Steichen finit par se réconcilier avec le Luxembourg. Lorsque le ministère luxembourgeois de la culture a enfin reconnu la valeur artistique de « Family of Man », celle-ci est devenue une exposition permanente en 1994. L’exposition a fait l’objet d’un « nation-branding » à la lumière du fait que la capitale luxembourgeoise est devenue capitale européenne de la culture en 1995.

Claude Ewert and Emilia Sánchez González

Claude Ewert et Emilia Sánchez González

Méthodes et résultats

Outre les événements communautaires pour la réception internationale, l’aspect local de la « Family of Man » sera évalué par des méthodes d’histoire orale : des personnes impliquées dans l’exposition ou dans le secteur culturel luxembourgeois seront interrogées sur leurs expériences, mais aussi sur ce que l’exposition représente pour elles. Une enquête auprès des visiteurs sera menée à Clervaux.

Les résultats de ce projet de trois ans seront présentés sous la forme de publications académiques et d’une thèse de doctorat, mais pas seulement. Afin de contribuer à l’objectif duC2DH de rendre les résultats de leurs recherches aussi accessibles et variés que possible, un roman graphique sur « Family of Man » sera publié. En outre, un site web avec une carte interactive sera conçu, permettant à l’utilisateur d’explorer les différentes perceptions de la l’exposition dans de nombreux endroits qu’elle a visités au cours de son tour du monde.

Le projet est soutenu est par le Luxembourg Research Fund (FNR).

Qui sont les chercheurs ?

Emilia Sanchez
Emilia Sánchez González

Doctoral researcher

Claude Ewert
ClaudeEwert

Postdoctoral researcher

Andreas Fickers

Director of the Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History